L'art de la production

Dès les années 1980, le Creux de l’Enfer s’est activement engagé dans le soutien à la création, par ses accompagnements à la production1. Ce que Liliana Albertazzi souligne au début des années 2000 : Parmi les centres d’art qui ont vu le jour dans les années 1980, le Creux de l’Enfer se démarque par son attachement à la production […] à la différence des autres lieux, qui se cantonnent souvent à la simple présentation d’expositions […]. Certes, cette démarche peut […] sembler relever exclusivement d’une capacité technique à accompagner la collaboration avec les artistes. Mais du point de vue de l’esthétique et de la relation entre art et société [elle] est d’une tout autre envergure.2

Edifié sur un site multi-centenaire dans une usine construire au XIXème siècle, réhabilitée en 19883, le centre d’art est toujours empreint de son héritage historique. Lieu de mémoire4 des activités manufacturières et industrielles, il participe au dessin de la Vallée des usines : le long des gorges de la Durolle, là où le débit est le plus intense, les usines se succèdent en enfilade. Ressource énergétique naturelle, la rivière a été pendant plus de cinq siècles détournée pour sa force motrice et utilisée comme fluide de trempe ou matière première. Les activités des tanneries et papeteries cessent respectivement au XVIIIème et XIXème siècles5. La Vallée des usines dans le prolongement de la Vallée des rouets, en référence aux moulins hydrauliques conçus pour l’aiguisage à la meule (émoulage), doit sa réputation aux manufactures métallurgiques associées à la fabrication de couteaux. Ainsi le bassin coutelier se forge-il au fil des siècles, avec la ville de Thiers devenue au XIXème siècle le fief des émouleurs, les seigneurs de la coutellerie6”. Au début du XXème siècle, les mécanismes hydrauliques sont remplacés par des motorisations électriques, la production s’automatise et les activités industrielles se déplacent et se diversifient (notamment à travers le développement de la plasturgie). Mais aujourd’hui encore, c’est à Thiers – la ville du couteau à renommée internationale –, qu’est fabriquée la majorité des outils tranchants sur le plan national7.

Dans l’usine dénommée le Creux de l’Enfer, de 1501 à 19568 – date à laquelle elle sera définitivement désaffectée – les activités manufacturières et industrielles diverses s’enchainent (forge, confection de mitres, de lames, de composants plastiques, de compas, etc.). Néanmoins, le site est encore aujourd’hui communément identifié comme une ancienne fabrique de couteaux.

L’équipe municipale, dans les années 1980, s’accorde pour faire bouger la coutellerie9et valoriser le travail du métal par la création artistique(A). Considérant l’intrication des développements économiques et culturels, elle inaugure en 1982 le Musée de la Coutellerie, puis crée en 1985 le Symposium de sculpture monumentale métallique : six artistes régionaux et internationaux10, Michel Gérard, Yves Guérin, Denis Oppenheim, Patrick Raynaud, Vladimir Skoda et Georges Trakas (découvreur du Creux de l’Enfer, sur invitation de Jean-Claude Potte11). Ils créent avec l’industrie locale, des sculptures et installations métalliques qui s’implanteront, pour la plupart avec justesse dans le contexte de la ville et de sa périphérie12”.

Dans cette perspective d’enrichissement mutuel entre arts et industrie, et dans la continuité du Symposium, le projet d’installation d’un centre d’art contemporain est déposé en 1987. Le centre accueillera des créateurs pour exercer leur art et développer des recherches en liaison avec les avancées technologiques […] la recherche technique sur les matériaux nouveaux sera une nécessité et les moyens seront mis à disposition […] celle-ci est soutenue par la qualité des entreprises régionales […].13, argumente le député maire Maurice Adevah-Pœuf.

Mais avant le lancement des opérations de réhabilitation, l’usine abandonnée depuis une trentaine d’années est ouverte au public, afin que les Thiernois aient l'occasion de la voircomme elle est., souligne Jean-Claude Potte, adjoint à la culture. Ainsi, l’artiste Olivier Agid orchestre-t-il en 1987 la préfiguration du centre d’art, comme une action, à grande échelle. L’évènement intitulé En Fer-element, dure trois mois : de jour et de nuit, à la dimension d’une portion de la Vallée des usines incluant trois bâtiments [les trois usines désaffectées adjacentes, Entraygues, Dumay et le Creux de l’Enfer] ; [L’évènement associe] mise en lumières, projections à la dimension des façades, création sonore diffusée le long du torrent (Chant de fer), sculptures extérieures produites avec l’industrie de l’emboutissage, collection sculpturale réalisée à partir de matrices de forges associées à des pièces en alliage de métaux (Matrice), tableaux, photographies, estampes, éditions etc. […] la réalisation mettait en scène l’idée de la Vallée des usines [tout] entière et de la ville de Thiers en mutation.14

En hiver 1988, lors de l’inauguration du centre d’art le Creux de l’Enfer, Hubert Curien, Ministre de la Recherche et de l’Industrie, souligne les relations de complémentarité de l’art et de l’industrie15. Pendant les premières années, l’association Thiers Art Métal gère le nouveau lieu dédié à la création ; les expositions présentent alors exclusivement des œuvres métalliques. Mais très vite, cette restriction est dépassée : sous l’impulsion de la première directrice, Laurence Gateau, au-delà du seul contexte traditionnel de transformation métallurgique, les horizons artistiques s’élargissent à l’ensemble des médiums et médias… Dès lors, le Creux de l’Enfer accueille des artistes de renommée nationale et internationale(B). Pour autant, à la faveur de collaborations avec des entrepreneurs de la région, l’art de la production est bel et bien l’une des priorités du centre d’art immergé dans un univers de savoir-faire artisanal et industriel […]. Des prestations comme le façonnage du métal, le thermoformage plastique, la menuiserie, la mécanique, l’ébénisterie, la confection, et certaines ingénieries spécifiques furent très utiles à l’élaboration d’expositions16”, précisait Frédéric Bouglé, successeur de Laurence Gateau. Aujourd’hui, comme hier, les entreprises du bassin thiernois partagent des savoir-faire et des techniques de pointe, elles participent activement à l’élaboration des œuvres, en dialogues étroits avec les artistes invités au Creux de l'Enfer17(C). Plus qu’un simple lieu d’exposition, il est un laboratoire de travail et d’expérimentation plastique : […] ce qui est intéressant, c’est qu’il soit tout à la fois un atelier d’artiste et un espace de monstration, sans qu’il y ait d’écart entre les deux18. La dimension collaborative dans l’accompagnement des recherches artistiques contemporaines fait écho à l’histoire de l’activité coutelière, car la fabrication d’un couteau requiert la maitrise d’un ensemble de techniques ancestrales et d’avant-garde : cet artefact emblématique est dans son élaboration traditionnelle une véritable œuvre collective(D).

Au regard de l’entreprise commune exceptionnelle entre artistes, industriels et artisans, l’industriel Daniel Blonski témoigne : Le problème avec les artistes, c’est qu’ils ont des idées qui ne sont pas toujours réalisables, mais ils arrivent tout de même à nous les faire faire… ils nous poussent dans nos retranchements. C’est pour cela que je leur en suis reconnaissant : ils nous ont amenés à faire des choses qu’on n’avait jamais explorées, jamais imaginées, des aspects inconnus de notre profession19

De nombreuses créations artistiques ont vu le jour grâce à l’action conjointe du centre d’art et de l’apport de la technicité des entreprises du territoire. Elles ont ensuite diversement figuré dans des expositions hors les murs et se retrouvent, aujourd’hui pour certaines, intégrées à d’importantes collections régionales, nationales et internationales (FRAC, FNAC, Tate Gallery à Londres, etc.)20.

Le terreau artisanal et industriel des environnements thiernois favorise également les réflexions esthétiques et sociétales sur l’évolution des réalités et des représentations du travail liées à la production manufacturière.

En 1997, Claire Chevrier intègre à son exposition21 une photographie prise à la chambre dans une usine locale : on arrivait au caisson lumineux de La forge, une forge de Thiers où dans l’image tout était en circulation, tournait, avec au centre l’homme anonyme à sa machine, les renvois de couleurs chaudes et froides22”. A travers ce tableau photographique à visée documentaire – dont le dispositif de rétro-éclairage évoque la présence d’un feu sous-jacent –, l’artiste témoigne poétiquement de la tension entre l’obsolescence de ces modes de production historiques et la mythologie transhistorique liée au travail ancestral du métal(E).

Vingt ans plus tard, en artiste anthropologue, Marc Lathuillière s’intéresse à la désindustrialisation et aux processus de patrimonialisation de sites manufacturiers, telle l’usine du Creux de l’Enfer, qu’il qualifie d’ancien temple du progrès industriel23. Pour son exposition Fabrique nationale24, il sélectionne des photographies consacrées aux métiers de l’industrie et de l’artisanat (coutellerie, textile, métallurgie, chimie…) de la région, notamment réalisées lors de résidences en Auvergne et en Isère. Selon un même protocole développé depuis une quinzaine d’années, ses portraits photographiques contextuels s’attachent à des individus à qui il fait prendre la pose, isolés dans leur lieu de travail, frontalement, arborant tous un même masque impersonnel. Suscitant une étrange ambiguïté entre réalité et fiction, ces portraits posés et masqués de personnes identifiées selon leur métier, rappellent l’emblématique projet photographique d’August Sander, Hommes du XXème siècle. De manière critique, Marc Lathuillière détourne les codes du style documentaire classique pour interroger les conventions de représentation du territoire et de l’être de métier, forgé par son environnement professionnel, alors que, pour l’artiste, l’ouvrier tend à disparaitre [et] l’industrie est en train de rentrer dans le patrimoine25”. Ce questionnement sur les représentations du travail comme valeur sociale collective, rappelle par ailleurs le concept de lieu de mémoire forgé par l’historien Pierre Nora, comme lieu constitutif d’une identité partagée (qui) dessine une mythologie collective [… et] qui présentifie un passé collectif26.

Cette mémoire industrielle transparaît dans une des installations de Bernard Calet, Lopin, créée en 199027 pour le centre d’art, après une visite de forges en activité à proximité : je voyais passer un petit bout d’acier chauffé à rouge, appelé “lopin”, être positionné sous presse. A un moment donné, le marteau-pilon qui tombe fait vibrer le sol et de ce cylindre incandescent sort un morceau d’acier préformé. Assez vite, j’ai pensé aux fenêtres du centre d’art car dans la forge, la lumière n’est pas présente. J’ai fait enlever les ouvertures des fenêtres et à la place j’ai fait souder des plaques d’acier brut noir, qui gardaient les traces de leur fabrication. Dans chaque plaque d’acier était intégré un cibachrome représentant un lopin incandescent à échelle un28(F).

Au premier étage, dans la salle d’exposition assombrie, ce même éclat photographique est rejoué huit fois ; la scansion rythmique des ponctuations rougeoyantes fait retentir la cadence du martellement mécanique et la répétition des gestes du forgeron(G).

La forge m’a toujours fasciné, d’abord la forge manuelle, puis j’ai appris à connaître les marteaux pilons ; transformer une forme initiale en une autre forme, c’est le principe même de la sculpture, affirme Vladimir Skoda29, dans son atelier près de Thiers, une ancienne usine d’estampage et de couteaux acquise bien des années après avoir participé en 1985 au Symposium de sculpture métallique(H). Les cinq sphères en acier, forgées au marteau pilon et dardées d’étoiles, sont les seules œuvres de l’époque à être encore visibles aujourd’hui, à l’arrière du Musée de la coutellerie(I). Ces volumes comptent parmi les premières sphères élaborées par l’artiste, qui l’ont amené à déployer une œuvre à partir de ce schème formel matriciel, en privilégiant le travail du métal. Dans “fer”, on entend “faire” […] comme si cette matière portrait dans son nom même le combat qu’implique le projet de lui donner une forme […]30”. L’artiste assimile par ailleurs la pratique du forgeron à celle de l'alchimiste qui tous deux opèrent des transmutations de la matière(J) ; de même qu’il associe sidérurgie et cosmologie : “le minerai est sidéral, affirme-t-il. “Ce qui m’a fasciné quand j’ai appris le travail du métal, c’est la couleur blanche éblouissante du métal chauffé à cœur qui devient blanc, on ne voit plus les contours de la forme qui apparait comme une sphère éblouissante, c’est comme regarder le soleil … il y a une dimension cosmique !31”. De cette expérience dans l’industrie du feu, nait l’imaginaire cosmique développé depuis une cinquantaine d’années par l’artiste d’origine tchèque, pour qui le métal incandescent est aussi bien à l’image du noyau terrestre que des sphères célestes. Il titre Pluie sidérale32 son exposition qui se déploie en 2005 sur l’ensemble des trois niveaux du centre. Pour le rez-de-chaussée, Vladimir Skoda exécute deux œuvres inédites : “La première fait barrage, nous obligeant pour avancer à traverser un rideau de métal ainsi que les flots lourds d’une chute d’eau. Réalisé avec l’aide de l’entreprise d’accastillage Wichard, de Thiers, ce tapis de métal crocheté [est] le produit d’un véritable tissage de résidus d’estampage33 […]. Elle fait écran à l’œuvre suivante, [Entropia Grande], encore plus monumentale, toute en surface, posée à même le sol, et qui offre la vision éblouissante d’un monde mis à plat, constitué d’une myriade de billes de roulement34”. En effet, les milliers de billes d’acier poli créent par coalescence une cartographie d’autant plus instable qu’elles se réfléchissent les unes les autres de manière vertigineuse.

La création artistique au Creux de l’Enfer ne saurait être dissociée de l’art de la production. Si l’œuvre contemporaine ne se résume pas à des problématiques techniques, elle relève bien de la tekhnè. Nombre de pièces présentées à Thiers valorisent l’intelligence de la main et l’élaboration d’une pensée créatrice à travers le savoir-faire, à rebours de la discrimination hiérarchique historique entre artiste et artisan35.

Évoquons en ce sens le travail de Roland Cognet pour qui la conception des formes est indissociable de leur ouvrage36. En 1992, dans le cadre d’une exposition collective, il transforme le centre d’art en atelier de production et s’attèle à recouvrir patiemment un grand tronc d’arbre de petites lamelles d’acier façonnées sur place à l’enclume. Le surmodelage métallique minutieusement ajusté est une nouvelle écorce qui tend à carapaçonner tout en donnant à voir le volume, à “déplacer le tronc d’arbre dans le champ de la sculpture(K)”. En parallèle, Yves Guérin se livre à un véritable éloge de la main, avec le soutien technique des Forges de Geoffroy. Le poing serré d’un maitre artisan forgeron, Jacques Marion, est moulé et estampé en série au marteau-pilon. Les deux parties de la matrice sont présentées au sous-sol alors que 150 pièces forgées de cette main, hautement symbolique vis-à-vis de la chaîne de fabrication et du processus de création, sont assemblées au rez-de-chaussée en une forme d’aile élancée37.

En 2009, Franck Scurti présente un ensemble de pièces parmi lesquelles Fingers of Steel, des pâtons d’argile “directement sortis de la mélangeuse à terre de l’atelier, et cela juste après que l’artisan les a saisis de ses mains, laissant ses empreintes dans les mottes crues. Recouverte d’un biscuit nickelé avant une seconde cuisson, la terre en ressort armée d’une surface métallique miroitante, les traces de doigts figées dans l’acier, égard rendu à Thiers, la ville du métal38(L). En parallèle, il installe Réplication, un vaste dessin dans l’espace à l’échelle du rez-de-chaussée : des volutes serpentines dentelées semblent flotter – comme sorties de la lampe d’Aladin, ou des cruches éventrées d’Empty World – ; à y regarder de plus près, il s’agit d’une fermeture Eclair de plusieurs centaines de mètres, confectionnée par une entreprise locale(M).

Si Mona Hatoum présente en 199939 des créations récentes choisies pour leur résonnance avec la mémoire industrielle du lieu – telle Untitled (Wheelchair), 1998, une pièce emblématique en métal qui représente un fauteuil roulant dont les poignées ont été substituées par des lames de couteau effilées –, l’artiste imagine aussi des pièces inédites, “purement inspirées de ce que l’industrie locale avait à offrir40(N). Ainsi, sensible à “l’assistance à la production d’excellente qualité et très spécialisée41”, a-t-elle pu faire réaliser à Thiers le célèbre Slicer, 1999, en collaboration avec deux entreprises locales, Jakubowski et AOT. L’un des principaux acteurs de cette collaboration se souvient : “Mona Hatoum était venue avec une pièce en bakélite des années 1950, c’était un modèle à multiplier par 10 en termes d’échelle. A l’époque, on testait un nouveau matériau très opaque, facilement thermoformable… mais il n’y avait pas de machine, les cadres de serrage étaient manuels. Les deux moulages étaient assemblés, ainsi qu’une partie en métal usinée en parallèle. Il a fallu deux mois de travail. On a produit cinq répliques qui ont été vendues à l’international. On a jeté les moules il n’y a pas longtemps...42(O)”. Sous tension, célèbre installation de Mona Hatoum est montrée dans une échelle inédite à Thiers. Dans la pénombre, l’œuvre rassemble une batterie de cuisine dont les divers éléments en acier disposés sur un établi ou au sol sont reliés entre eux par des câbles électriques blancs ; certains objets perforés cachent des ampoules qui s’allument par intermittence, alors qu’un bourdonnement électrique est amplifié de manière inquiétante. Outre les relations à la production manufacturière, Sous tension suggère une électrocution, et engage une dimension critique sur l’appareillage domestique considéré traditionnellement comme “féminin(P). L’artiste réalise par ailleurs un ensemble de “frottages, à partir d’ustensiles de cuisine – passoire, couteaux étalons thiernois… – , qui par estampage, laissent transparaître par perforation leurs empreintes opalescentes dans un délicat papier japonais paraffiné. “Le fait que le bâtiment et toute la région se rattachent à l’industrie de la coutellerie m’a inspiré quatre œuvres ayant pour sujet des ustensiles de cuisine ou tout simplement, l’idée de la lame43”, souligne Mona Hatoum.

“[…] aucun artiste n’avait choisi délibérément le thème du couteau44 pour son exposition personnelle45”, note Frédéric Bouglé en 2006 alors que le catalan Antoni Muntadas élabore Histoires du couteau46, en partenariat avec les musées de la coutellerie d’Albacete, en Espagne et de Thiers(Q). L’exposition multimédia est une vaste étude sur l’histoire et le langage universels de cet outil archaïque, rassemblant sur les deux niveaux du centre d’art un vaste corpus d’expressions, usages, coutumes, représentations, issus de la culture populaire, la littérature, la linguistique, l’anthropologie, le cinéma, la bande dessinée, la publicité, les domaines scientifiques, techniques, etc. De l’arme blanche (dont la lame aura été blanchie par la meule), au symbole terroriste post 11 septembre, en passant par l’ustensile ménager, l’objet sacré ou érotique… ces innombrables acceptions, usuelles, symboliques et imaginaires, de toutes cultures et de tout genre, sont présentées au travers de mises en forme diverses : performance, vidéos, pas moins de 800 photographies, installations, sérigraphies ou encore peintures murales. En parallèle de ses recherches et détournements sémiotiques, Antoni Muntadas photographie les vitrines des coutelleries thiernoises, et filme les mains du maitre forgeron Henri Viallon. “[…] le centre d’art a été un lieu de travail lié à l’économie coutelière et l’art de Muntadas se soucie d’intégrer cette mémoire47.

Aujourd’hui, de nouvelles modalités de production – alternatives, collectives, locales, peu énergivores – s’accordent avec attention aux problématiques environnementales. En pleine période de pandémie, Hélène Bertin, pour son exposition Cahin-caha48, fruit d’un temps de résidence en 2020, développe un parcours aussi symbolique que sensible à travers les âges de la vie. “Je suis une cueilleuse49”, souligne l’artiste désireuse de travailler des matériaux naturels qui peuvent être glanés dans sa Provence natale ou dans la région Auvergne. Au Creux de l’Enfer, elle propose de “mettre en contact le spectateur avec la nature brute50”, au plus près de “la présence matérielle51d’artefacts en bois, céramiques, tissus, minéraux… à manipuler ou qui se répondent à travers une palette de terres ocres et de bleus. A l’étage, outre un ensemble de terres cuites réalisées au village de La Borne, une tenture monumentale, tel un dais, exhale les parfums des épis de céréales qui la constituent. La confection des nombreux fagots réunis en un drapé savamment architecturé, résulte d’une élaboration qui a rassemblé volontaires et équipe du centre d’art. Les conditions de fabrication – participative, sur site, étirée dans le temps – font partie intégrante du projet artistique dessiné par Hélène Bertin(R).

Anne Favier

 

NOTES:
1. “A la fin des années quatre-vingt, en France, le mécénat dédié à des institutions culturelles connaît un nouveau développement inspiré entre autres par l’exemple des Etats-Unis, de l’Allemagne… A l’époque, pour certains chefs d’entreprise, il s’agit d’un engagement citoyen : offrir à l’environnement de leurs entreprises un accès au monde culturel. Deux dispositifs sont mis en place. Le mécénat de compétences, soit un don en nature lorsque les collaborateurs d’une entreprise sont mis à la disposition d’un organisme d’intérêt général. Le mécénat d’entreprise apporte, en revanche, un soutien financier ou matériel, sans contrepartie directe, ce qui le distingue du sponsoring. De nouvelles dispositions fiscales favorisent ces aides contribuant parfois à la création de clubs de partenaires. Ces deux formes d’aide suscitent des espaces de rencontres entre l’entreprise et les institutions culturelles. A Villeurbanne, dès sa création en 1978 par Jean-Louis Maubant, le centre d'art contemporain Le Nouveau Musée, (devenu Institut d’art contemporain depuis 1998 avec la fusion du FRAC Rhône-Alpes) a mobilisé des entreprises autour d’interventions relevant du mécénat de compétences. A Saint-Etienne, le Musée d’art moderne à la fin des années quatre-vingt a été puissamment aidé par le mécénat d’entreprise du groupe Casino pendant une douzaine d’années. Avec Antoine Guichard, le groupe Casino défendait qu’“il n'y a pas d'un côté l'économique et de l'autre le culturel, il n'y a que des hommes (Antoine Guichard, à l’occasion d’une conférence de presse au Musée d’art moderne de Saint-Etienne, décembre 1987)., note de Martine Dancer, conservateur en chef honoraire, avril 2022.
2. Liliana Albertazzi, “L’Engagement dans la production, in catalogue Le Creux de l’Enfer : Centre d’art contemporain, 1988-2002, Clermont-Ferrand, éd. du Miroir, 2003, p. 29.
3. Voir infra : Anne Favier, “Mises en situations
4.  D’après le concept de lieu de mémoire, forgé par l’historien Pierre Nora.
5.  Voir Anne Henry, chargée d’études en patrimoine industriel pour le Musée de la Coutellerie, Thiers. Une exception industrielle. Inventaire général, ADAGP, Images du patrimoine n°229, 2004.
6. Document de présentation du Musée de la Coutellerie, Thiers, 2021.
7. Plus de 70% des outils tranchants seraient toujours produits dans le bassin thiernois, selon les documents fournis en juillet 2021 par le Musée de la coutellerie de Thiers.
8. L’usine où est établi le centre d’art fut dès 1501 un atelier d’émouleur (rouet), nommé Creux des fées ou Gour des fades. En 1791, l’usine qui accueille forges et marteau-pilon est renommée Martinet de l’Enfer. En 1836, elle devient le Rouet Cavalier et recouvre sa fonction initiale d’atelier d’émouture (émoulage en thiernois). En 1880, l’usine est la propriété de la famille Delaire, qui la transforme en une manufacture de coutellerie de table. Se succèdent ensuite trois propriétaires de coutellerie de table et de découpage jusqu’en 1919. L’usine brule une première fois. Reconstruite, elle devient l’usine Garret frères, spécialisée dans la forge de mitres, le découpage et l’assemblage des lames. En 1934, elle brule pour la seconde fois, et est de nouveau rénovée. De 1939 à 1944, le bâtiment est loué à un fabricant de moulages en bakélite. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle aurait servi de maquis pour camoufler des postes émetteurs ; puis le bâtiment accueillera une manufacture de compas (Passavy). A partir de 1957, l’usine restera désaffectée pendant 30 ans, avant sa réhabilitation en centre d’art. Sources : document d’archives tapuscrit, non signé, estampillé Creux de l’Enfer, archives du Creux de l’Enfer.
9. Jean-Claude Potte, adjoint à la culture, chercheur au CNRS.
10. Le Symposium a également attiré des designers qui ont créé des modèles de couteaux. Il s’agit des groupes Totem et Sowden-Du Pasquier (pour le “in) et d’Anne Marie Millot (pour “le off), Alice Chevrier, article Diable 30 ans ! Que reste-il du Symposium national de sculpture monumentale métallique organisé en 1985 à Thiers ?, in La Montagne du 25 décembre 2018. En ligne.
11. Voir infra : Anne Favier, “Mises en situation.
12. Frédéric Bouglé, archives du Creux de l’Enfer.
13. Projet déposé au Ministère de la culture le 18 juin 1987 par le député maire M. Adevah-Pœuf, archives du Cabinet d’architecture Fabre - Speller, Clermont-Ferrand, consultées en 2021.
14. Olivier Agid, mail envoyé en juillet 2021, à la suite d’une visite d’atelier à Riom, en juillet 2021.
15. […] l’art comme le complément nécessaire de l’industrie, Hubert Curien, inauguration du centre d’art, le 2 décembre 1988, in document L’enfer ressuscité, archives du Creux de l’Enfer.
16. Frédéric Bouglé, texte de présentation du Creux de l’Enfer, archives du Creux de l’Enfer. Citons par exemple les entreprises, les Forges de Geoffroy, Jakubowski, Deglon, Wichard, AOT… qui ont pu participer à la production des œuvres.
17.
Mentionnons d’autres partenariats récents, avec les entreprises Cartolux, Chambriard, Claude Dozorme, Eprose, Cannes-Fayet…
18. Laurence Gateau, entretien avec Philippe Piguet, 10 ans au Creux de l’Enfer, Artpress n°254, février 2000.
19. Pour l’exposition d’Alain Benoit, la production était énorme : deux pavillons en plexi-miroir de très grandes dimensions…, Daniel Blonski, ingénieur et PDG de la société de thermoformage thiernoise AOT et trésorier du Creux de l’Enfer de 2001 à 2012, entretien, juin 2021.
20. Depuis 1791, mais sous une autre appellation, le Fonds national d’art contemporain (Fnac) rassemble la plus importante collection internationale d'art vivant en France. En revanche, les Fonds régionaux d’art contemporain (Frac) sont créés en 1982. L’initiative de Jack Lang, alors ministre de la Culture, se fonde sur un partenariat entre l’État et les Régions. Les FRAC acquièrent régulièrement des œuvres d’artistes contemporains et les valorisent au fil d’expositions enrichies de médiations. Désormais en région la diversité des pratiques contemporaines est plus à la portée de tous les publics., note de Martine Dancer, conservateur en chef honoraire, avril 2022.
21. Exposition Claire Chevrier, commissariat Laurence Gateau, 8 oct. - 24 nov., 1997. Voir également infra : Anne Favier, Réfléchir l’environnement.
22. Claire Chevrier, in catalogue Le Creux de l’Enfer : Centre d’art contemporain, 1988-2002, Ibid., p. 189.
23. Marc Lathuillière, entretien filmé avec Frédéric Bouglé, 2017, archives du Creux de l’Enfer.
24. Exposition Marc Lathuillière, Fabrique nationale, commissariat Frédéric Bouglé, 11 oct. 2017- 28 janv. 2018.
25. Marc Lathuillière, Ibid.
26. Christian Jacob, évoquant le concept de Pierre Nora, Lieux de mémoire, lieux de savoir, in Qu’est-ce qu’un lieu de savoir ? OpenEdition Press, Marseille, 2014.
27. Exposition Bernard Calet, commissariat Laurence Gateau, 28 oct. 1990 - 9 déc. 1990.
28. Bernard Calet, entretien avec l’artiste, avril 2021.
29. Vladmir Skoda, entretien avec l’artiste dans son atelier près de Thiers, mars 2021.
30. Clément Thibault, D’al-chimie et de méta-physique, in monographie Vladimir Skoda, ed. Art absolument, Paris, 2019, p. 245.
31. Vladimir Skoda, entretien avec l’artiste, mars 2021.
32. Exposition Vladimir Skoda, Pluie sidérale, commissariat Frédéric Bouglé, 16 oct. - 31 déc. 2005.
33. Pour cette œuvre, Pluie sidérale, pas moins de 3000 résidus d’acier récupérés ont été assemblés à l’aide de fil de fer. J’avais envie de faire quelque chose avec une entreprise d’ici ; des éléments qui sortent de la chaine de fabrication, Vladimir Skoda, entretien filmé avec F. Bouglé, archives du Creux de l’Enfer. Ces dépouilles ou chutes d’ébavurages proviennent de l’estampage par marteau-pilon, A Thiers, ces chutes sont appelées “chatilles, Anne Henry, Thiers, une exception industrielle, ibid., p. 62.
34. Frédéric Bouglé, in Vladimir Skoda, Thiers, Le Creux de l’Enfer, coll. Mes pas à faire, 2006, p. 43.
35. Nous pouvons évoquer l’ouvrage de Tim Ingold, Faire. Anthropologie, Archéologie, art et architecture, 2013, dans lequel l’anthropologue développe une riche réflexion sur les relations entre faire et penser.
36. Roland Cognet expose à trois reprises au Creux de l’Enfer : exposition collective Roland Cognet, Denis Falgoux, Yves Guérin, Jacques Malgorn, Patrick Siro, commissariat Laurence Gateau, 17 oct. 1992 - 6 déc. 1992 ; exposition collective Pour un couteau, 12 février - 16 avril 1995, commissariat Laurence Gateau ; exposition Roland Cognet. En fait il faut peut-être chercher encore, commissariat Frédéric Bouglé, 12 oct. 2011 - 26 fév. 2012.
37. En résonance à cet éloge de la main, l’artiste Belge Lili Dujourie présente en 2008, un ensemble de pièces en argile qui témoignent de leur processus d’élaboration. Elles présentent en creux les opérations de leur mise en forme : l’empreinte comme fossilisée des mains qui ont étreint la matière dont elles sont constituées. “Il ne s’agit pas de manipuler la terre pour représenter quelque chose, il s’agit par la main de la représenter elle-même […]. Ces sculptures représentent une synthèse humaine de la création […] la main qui forme la terre, et la terre qui en informe la main […]”, Frédéric Bouglé, commissaire de l’exposition, Lili Dujourie, 4 juin -14 sept. 2008, texte de présentation, archives de la ville de Thiers.
38. Frédéric Bouglé, texte de l’exposition Franck Scurti, 20 oct. 2009-31 janvier 2010, archives de la ville de Thiers.
39. Exposition Mona Hatoum, commissariat Laurence Gateau, 26 sept. 1999 - 2 janv. 2000. Voir infra, Anne Favier, “Machineries”.
40. Mona Hatoum, in catalogue Le Creux de l’Enfer : Centre d’art contemporain, 1988-2002, Ibid., p. 195.
41. Ibid.
42. Daniel Blonski, entretien, juin 2021.
43. Ibid.
44. En 1995, l’exposition collective de Laurence Gateau, Pour un couteau, aurait dû donner lieu à une publication. Plus d’une quinzaine d’artistes parmi lesquels, Natacha Altman, Marie-José Burki, Olivier Caban, Bernard Calet, Leo Copers, Richard Fauguet, Jacques Halbert, Gary Hill, Fabrice Hybert, Anne-Mie Van Kerckhoven, Bertrand Lavier, Claude Lévèque, Michelangelo Pistoletto, Mari-Blanche Potte, Françoise Quardon, Franz West…, “qui ont pour point commun d’avoir déjà exposé au Creux de l’Enfer. Chacun a, selon sa sensibilité et sa spécialité, réfléchi aux signes et symboles qui entourent cet objet tranchant qu’est le couteau”, écrit Laurence Gateau (archives du Creux de l’Enfer).
45. Frédéric Bouglé, entretien avec Antoni Muntadas, brochure éditée par le centre d’art en juillet 2006, archives du Creux de l’Enfer.
46. Exposition Antoni Muntadas, Histoires du couteau, commissariat Frédéric Bouglé, 15 oct. 2006 - 31 janv. 2007.
47. Evence Verdier : Antoni Muntadas. Un couteau que je n’oublie pas, texte critique, non daté, archives du Creux de l’Enfer.
48. Exposition Hélène Bertin, Cahin-caha, commissariat Sophie Auger-Grappin, 01 nov. 2020 – 30 avril 2021.
49. Hélène Bertin, vidéo Le Creux de l'enfer - Exposition “Cahin-caha” d'Hélène Bertin - Jardin des paniers (2020-2021)
50. Ibid.
51. Ibid.

 

Paroles


(A) La culture ne peut pas ignorer l’industrie et la recherche technologique. Le monde de l’industrie et de la science en général ne peut pas se passer de la culture et faire comme si elle n’était pas partie prenante de la culture de notre époque. Jean Claude Potte, in Compte-rendu du Colloque départemental Culture scientifique technique et industrielle, daté du 23 oct. 1989, Archives du Creux de l’Enfer.

(B) Mon projet visait à ne pas cantonner le lieu dans cette relation mimétique à la situation locale, parce qu’au regard de la création contemporaine cela me semblait insensé de se caler exclusivement par rapport au travail du métal. [Je souhaitais] faire du Creux de l’Enfer un lieu de production unique [… il] ne pouvait être qu’un lieu de recherches, un véritable laboratoire. Laurence Gateau, entretien avec Philippe Piguet, in Artpress, fév. 2000.

(C) […] le centre d’art est une machine innovante […] je suis venue avec l’idée de concilier si possible l’innovation et l’artisanat. Pour moi, il n’y a pas du tout de division entre le savoir technique et le savoir intellectuel. Sophie Auger-Grappin, avril 2018.

(D) La question de la production c’est l’ADN du Creux de l’Enfer, tout comme la notion de travail. Laurence Gateau, entretien, février 2021.

(E) Je connais le Creux de l’Enfer pour y être allée voir plusieurs expositions et pour avoir effectué une commande photographique pour le musée de la coutellerie de Thiers. Claire Chevrier, in catalogue Le Creux de l’Enfer : Centre d’art contemporain, 1988-2002, p. 189.

(F) Il y avait une succession de petites lumières dans cet espace presque vide. Je jouais avec le spectateur qui s’approchait des lopins en fusion, dont la matière est presque magmatique. Bernard Calet, entretien avec l’artiste, avril 2021.

(G) Le centre porte toute l’histoire du site, en 1990, il était encore (mais plus pour longtemps) dans son histoire art-métal. […] La pièce Lopin a été conçue pour le bâtiment, en référence à son passé. Bernard Calet, in catalogue Le Creux de l’Enfer : Centre d’art contemporain, 1988-2002, p. 187.

(H) Le Symposium m’a fait connaitre Thiers. J’étais fasciné par les métiers du métal. […] Les pièces du Musée de la coutellerie ont été forgées à Issoire car il fallait de très grands marteaux-pilons. Vladimir Skoda, entretien avec l’artiste, mars 2021.

(I) […] c’est d’ailleurs dans cette ville (Thiers), spécialisée dans l’art séculaire de la coutellerie, que j’ai rencontré un artisan qui m’a appris la technique du damasquinage, qui consiste à enchâsser un fil de cuivre, d’or ou d’argent sur une surface métallique pour créer différents motifs, des ornements … Vladimir Skoda, entretien avec Clément Thibault, monographie, 2019, p. 231.

(J) Selon Mircea Eliade, un alchimiste adepte de la pierre philosophale aurait vraiment vécu juste à côté du Musée de la coutellerie ; c’est aussi pourquoi Thiers me fascine. Vladimir Skoda, entretien avec l’artiste, mars 2021.

(K) [Roland Cognet] a placé sa sculpture de telle sorte à ce que les rayons du soleil viennent l’envelopper et fassent vibrer les matières. […] forme cachée, le noyau de la sculpture est un tronc d’arbre qui disparait sous d’étroites et longues baguettes d’acier. Elles l’épousent et rappellent la qualité de ses fibres longilignes. Laurence Gateau, communiqué de presse, 1992, archives de la ville de Thiers.

(L) Fingers of Steel […] donne de la valeur au processus de travail [… en ] fix[ant] un geste associé à un processus de production. Franck Scurti, entretien filmé, 2010, archives du Creux de l’Enfer.

(M) Je ne voulais pas faire un projet in situ, puis j’ai visité le Creux de l’Enfer qui est tout de même incroyable. J’étais en train de travailler sur les Réplications dans des formats tableau, alors j’ai décidé de les redéployer dans cet espace, en utilisant les éléments de suspension du plafond. Je suis resté une semaine à travailler sur ce dessin à l’aide de la fermeture Eclair. Cette expérimentation à l’échelle du lieu d’expo, c’était inédit dans ma carrière. Franck Scurti, entretien avec l’artiste, oct. 2020.

(N) […] le centre [est] situé dans une région industrielle avec de nombreuses possibilités de production pour les artistes souhaitant expérimenter de nouveaux matériaux et procédés. Le centre a établi des relations de travail amicales avec les industriels locaux et l’équipe technique de la ville. […] Ma foi c’est le Paradis ! Mona Hatoum, catalogue Le Creux de l’Enfer : Centre d’art contemporain, 1988-2002, p. 195.

(O) Quand on travaille en atelier sur une pièce d’artiste, elle n’a rien d’artistique à ce moment-là, c’est comme une pièce industrielle, avec les mêmes contraintes techniques et économiques ; puis quand tout le monde la voit et que l’on écoute les commentaires dans l’expo, elle prend une autre dimension, un autre statut... c’est valorisant, on est fiers. Daniel Blonski, AOT thermoformage, juin 2021.

(P) L’exposition de Mona Hatoum c’est un très beau souvenir. L’établi avait été récupéré à l’usine du May, et nous étions allés à Emmaüs de Puy Guillaume chercher de la vaisselle et des ustensiles ; tout ceci est ensuite partie à la Tate Modern à Londres ! Le bassin thiernois est très fécond. Jean-Louis Trocherie, assistant de direction (1991-2001), entretien, avril 2021.

(Q) La visite de Thiers m’a fait penser à une ville dédiée à une production, à un travail artisanal voué à la coutellerie. Jamais je n’aurais pensé que je m’intéresserai au couteau […]. Ce n’est en aucun cas un hommage au couteau, c’est davantage une réflexion sur l’outil, ses origines, sa lecture présente, ses devenirs possibles et supposés. Antoni Muntadas, entretien avec Frédéric Bouglé, juillet 2006.

(R) Cet été, j’étais à La Borne, je faisais les cuissons de mes céramiques […] et au même moment, il y avait tous les champs de céréales qui commençaient à être moissonnés. […] On a fauché. On est allé couper 500 m2 de différents types de céréales […]. Il a fallu deux semaines de montage pour percevoir ce que ça allait donner. Hélène Bertin, vidéo du Creux de l’Enfer, 2020. 

, Martine Feipel, entretien avec l’artiste, nov. 2020.