Éclats #1
Constellation provisoire
au 27 septembre 2020
L’exposition collective Éclats propose de mettre en valeur le travail de jeunes diplômés des écoles supérieures d’art de Clermont-Ferrand, Lyon et Bourges, dans le prolongement de l’expérience des Enfants du Sabbat. Cette première édition, intitulée Constellation provisoire, rassemble 12 artistes choisis pour leurs univers singuliers, lorsque l’école est finie et que tout commence ! Dans ce moment infiniment précieux de basculement, de multiples possibles et de merveilleuse incertitude, ils ont été invités à penser des modes de production d’aujourd’hui, écoresponsables voire collaboratifs, dans le contexte spécifique du patrimoine industriel de deux anciennes usines, au sein de la vallée du même nom. L’exposition, fondée sur l'acceptation personnelle de l’expérience et sur une écriture collective, vise autant à susciter des échos entre les œuvres et les pratiques, allant de la peinture à la sculpture, du dessin à l’installation, de la photographie à la vidéo, que leurs dissonances dans le temps et dans l’espace.
Réunis à Thiers à l’automne 2019, les artistes ont découvert la ville, son territoire et certaines de ses caractéristiques sociologiques, l’histoire de la coutellerie et de la céramique ainsi que les techniques de fonderie, plasturgie et imprimerie en rencontrant des entrepreneurs et créateurs dans la région. Ce contexte global de production lié aux notions de manufacture, machinerie, technologies, outils ou postures a nourri recherches et réflexions sur leurs propres conditions de travail et sur la distinction entre temps de réalisation et de diffusion, entre nécessités de matérialiser une conception et d’en limiter l’empreinte écologique.
Répondant à la forme de commande ainsi posée, ils ont collaboré avec d’autres artistes, des artisans ou entreprises et porté une attention particulière à la question du geste, au choix et à la mise en œuvre des matériaux, en privilégiant les ressources locales pour imaginer des pièces dédiées aux usines du May et du Creux de l’enfer. Aussi ont-ils tenu compte de leur architecture étonnante, porteuse d’une mémoire multiple, et de l’omniprésence de la nature, y compris à l’intérieur des bâtiments par le jeu des vastes fenêtres et la pénétration abrupte du rocher dans le centre d’art.
Pour certains projets, la coutellerie ou simplement le profil d’une lame et d’un manche deviennent motif ou moteur. D’aucuns tirent leurs lignes d’ornements, graffitis thiernois ou autres formes inscrites dans la ville. Et beaucoup explorent le concept de passage, celui des corps des ouvriers dans les lieux investis, celui du temps sur les usines, celui des habitants à Thiers, parfois pour quelques mois, celui des visiteurs aussi, celui de la planète à l’ère de l’anthropocène, celui des artistes enfin, à double titre : de l’école d’art à la vie professionnelle et dans ces espaces où ils sont invités à agir pour un temps donné. Rite de passage, passage de relais ou lieu de passage sont autant d’expériences physiques et mentales renvoyant à la solitude ou la rencontre, toujours provisoires.
Or les œuvres d’Éclats #1, toutes signes d’un univers, dessinent une constellation, par essence de l’ordre de l’immuable. D’où l’ambiguïté du sous-titre, qui se révèle pourtant évidente pour évoquer à la fois l’unité et la diversité des propositions.
Conçue comme une expérimentation collective, l’exposition repose tant sur le risque et la surprise que la confiance, en soi et dans l’autre. Sur le fond – le choix des œuvres – comme sur la forme – leurs implantations dans les usines – elle est le résultat d’un partage de connaissances, compétences et idées, de la confrontation de points de vue jusqu’à l’heureux consensus qui, in fine, fait société !
La constellation est ainsi celle de l’éclat de chaque artiste et de chaque œuvre, comme du tout provisoire, qu’ensemble ils constituent. Juste avant que tout disparaisse, tout continue.
Aurélie Barnier, commissaire de l’exposition.
Aurélie Barnier est historienne de l’art, critique d’art (membre de l’AICA) et commissaire d’expositions indépendante.
Elle est l’auteur d’ouvrages et d’essais sur l’art américain, la question de l’intégration des arts (interdisciplinarité et pratiques collaboratives), les revues d’artistes ou l’art urbain, des années 1950 à nos jours. Ses textes critiques et ses projets d’expositions consacrés à la jeune création explorent également les rapports à l’histoire, à la mémoire et à l’espace architectural, public, naturel ou mental, ainsi que les expérimentations collectives. Elle intervient régulièrement en écoles d’art et dans des colloques, conférences ou tables-rondes au sein d’institutions françaises et internationales.
L’exposition a été produite en partenariat avec Clermont Métropole, l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole (ESACM), l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon (ENSBA) et l’École Nationale Supérieure d’Art de Bourges (ENSA).