Arlt

Arlt est un duo qu’on pourrait dire à la fois très contrasté et très complémentaire. Sing Sing écrit des choses qui sont à la chanson ce que le graffiti est à la peinture murale. Eloïse Decazes leur donne souffle, chair, les remplit d’air, de trous, de greffes étranges. Avec ses intuitions à elle, il bricole des idées qu’elle transforme à son tour en forces. Ensemble ils font de tout ça, finalement, des animaux qui parlent, des plantes carnivores, des bulletins météos convulsifs, des plaisanteries pas drôles, des commotions, des émotions, des courts-circuits. Arlt, primitivement, n’est pas un duo de plasticiens. Primitivement, Arlt fait des chansons, des concerts, des disques. Le dernier, Turnetable, a été écrit, composé, enregistré et mixé à Thiers. Comme Thiers tout dans ce disque tourne, tout dans ce disque penche. Comme Thiers il est rempli de trous, de béances et de fantômes.

A la très généreuse invitation du Creux de l’enfer, Arlt commet sa première exposition. C’est à dire qu’il met en espace son vocabulaire poétique et musical, ses motifs, ses manières, ses marottes. En espace, en volume : en quelque chose qui se traverse à pied. Qui se regarde et qui se pense, qui se rêvasse et dont il sera loisible de rire ou de s’épouvanter. De rejouer ce qu’il faut se résoudre à appeler leur « univers » dans un espace d’exposition. Le rejouer et l’expérimenter avec des objets, des installations, des concepts, de la matière sonore et plastique, du commentaire, du pastiche, des hommages, des convocations. Eloïse Decazes et Sing Sing s’improvisent ici à la fois plasticiens, donc, et commissaires-prospecteurs délurés (ils accueillent parmi les leurs propres, quelques oeuvres d’autres artistes, des citations en pagaille, des évocations plus ou moins frontales) et adeptes de l’auto-vandalisme. L’art du duo Arlt est un art qui se veut quelque peu spirite. Le tourne-disque (turntable en anglais, que le titre de son dernier disque dote d’un « e » fantôme et fantaisiste « turnetable») fait tourner les tables et convoque, invite, réveille les morts et les fait déborder. Chez Arlt, ce qu’on appelle communément des « influences » sont des fantômes qui hantent l’oeuvre. En aucun cas ce ne sont des « références » (pouah !)